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La parentalité

J'ai envie de définir, ou plutôt redéfinir en fonction de mes expériences professionnelles et parcours de vie, comme je l'ai fait dans un précédent post pour la pédagogie, ces termes qui s'emploient aujourd'hui dans tous les domaines, sans en appréhender réellement l'enjeu et qui subissent un glissement de sens vers l'absurde pouvant parfois s'avérer dangereux.

La parentalité, que l'on aime, à l'image de la pédagogie, qualifier de positive ou bienveillante, est, à mon sens, un excès supplémentaire d'intellectualisation prétentieuse qui porte atteinte à l'essentiel instinct parental, lui refusant le ressenti et la particularité pour le normaliser et le soumettre aux jugements sociétaux.


Mais commençons par la définir.


"Le terme de « parentalité » est un néologisme officialisé dans les années 1980 et présenté dans la langue courante comme « nom féminin (1985) (renvoyant à) la qualité de parent, de père, de mère » (Le Petit Robert, 2001) ou « fonction de parent, notamment sur les plans juridique, moral et socioculturel » (Larousse, 2000). Il apparaît dans la langue française au début des années 1960 au sein du champ psychiatrique et psychanalytique. Introduit à l’époque par le psychiatre Racamier (1961), il s’agit de la traduction du terme de « parenthood » développé par la psychanalyste américano-hongroise Benedek (Benedeck, 1959). Dans ce cadre, il fait spécifiquement référence au processus intrapsychique associé au fait d’être parent et permet ainsi de dépasser la distinction habituellement faite entre la fonction maternelle et la fonction paternelle et de présenter ce processus comme une étape du développement psychologique de l’adulte. Jusqu’aux années 1980-90, ce terme est ainsi essentiellement utilisé par des spécialistes et restreint à des univers très circonscrits. Depuis, son usage s’est largement répandu et son passage dans le sens commun en a fait un terme polysémique difficile à appréhender de par la diversité des réalités auquel il peut renvoyer." (Cairn.info)


Ma réalité étant le psycho-éducatif, choisissons ce domaine pour préciser la définition.

"Dans le domaine psycho-éducatif, le terme de parentalité renvoie aux pratiques parentales mises en œuvre dans l’éducation des enfants et prend donc une signification plus restreinte. Si dans les domaines précédemment cités, le terme de parentalité semble référer davantage au terme anglais « parenthood » qui renvoie de façon générale à la condition d’être parent, dans ce champ, il semble plutôt associé au terme « parenting » qui concerne le soin et l’éducation d’un enfant (Collins, 2007) (Martin, 2004)."Cairn.info

En résumé, dans mon domaine, ce concept qui découle du domaine psychiatrique est très récent et subit un essor considérable depuis le début des années 2000. Le fameux "soutien à la parentalité" s'étale en recettes éducatives formatées et normalisées basées sur la l'échelle de la performance. Voilà qui fait de nouveau écho à mon article sur la pédagogie. Pour cause, l'objectif qui a été détourné pour viser désormais la performance. Après être un bon élève, être un bon parent.

La fonction de parent y est étudiée, décortiquée. L'éducation que l'on donne est jugée, évaluée par le prisme de l'enfant et de sa place dans les performances sociales, qu'elles soient scolaires, sportives ou culturelles. Pour améliorer ces performances, on va conseiller le parent, lui apprendre comment parler à son enfant, lui soumettre un langage précis pour rester dans la parentalité jugée positive, des manières bienveillantes de punir (sisi...), bref, lui dire comment il doit être parent car tout seul il n'en est plus capable vu qu'il a été dépossédé de l'essentiel, son instinct parental, instinct impossible à étalonner, échelonner, normaliser, formater. C'est donc une part de marché qui se perd et dans le monde de l'éducation, comme partout ailleurs, on est prêt à tout pour vendre mieux. Il faut donc pour cela généraliser en faisant de la nature du parent une fonction, un métier avec des savoir-être et des savoir-faire codifiés. Si, et je le conçois volontiers, tout n'est pas à jeter, certaines "recettes" ont du sens, c'est parce qu'elles sont construites sur la logique et l'empathie, ces deux précieux instruments de la pédagogie, ces deux précieux atouts de l'instinct parental. En gros, ce que je veux dire, c'est qu'elles n'apprennent rien aux parents qu'ils ne savent déjà. Ils l'ont simplement oublié par manque de confiance en leur nature de parent et par peur des jugements familiaux et sociétaux. Parce qu'être parent est avant tout une nature, une relation humaine, une relation qui plus est, viscérale. La relation entre un père ou une mère et son enfant, malgré l'amour souvent inconditionnel et sans mesure dont elle bénéficie, n'en reste pas moins une relation humaine, avec sa particularité, son unicité, son exclusivité. Elle n'en est pas moins à l'abri des difficultés dues aux conditions environnementales (situation familiale, sociale,etc) et à l'évolution personnelle et aux expériences de chacun. Elle n'est pas linéaire, elle n'est pas évidente. Cette nature porte donc en elle l'impossibilité de sa transformation en fonction. L'humain et ses relations ne sont pas généralisables. Une preuve évidente, que comprendront facilement les parents de plusieurs enfants, sont les particularités qui se nouent entre chacun d'eux. Ce qui marche pour l'un, ne marche pas forcément pour l'autre alors qu'ils bénéficient pourtant des mêmes conditions environnementales. Pour moi, dans mon domaine, la parentalité n'existe pas, je la refuse pour tout ce qu'elle induit et engendre.

Je crois que les parents ont aujourd'hui besoin de l'entendre. FAITES-VOUS CONFIANCE ! Renouez avec votre nature, votre instinct, votre ressenti. Protégez-le des jugements, moquez-vous en. L'éducation n'est pas une compétition, c'est une construction. Elle n'a pas pour but le résultat mais l'épanouissement. Il faut renouer avec la simplicité de notre nature profonde et se méfier des intellectualisations excessives qui prétendent au final savoir mieux aimer qu'un parent. Il n'y a pas de recettes ou de langage calibré. Il y a une relation humaine, entre deux êtres conscients, de la même chair et du même sang, ayant pour essence la transmission, avec tout ce que cela implique.

J'ai démarré mon métier pleine de recettes en tous genres, confiante en ces conseils définitifs largement reconnus. 20 ans plus tard, je n'en ai plus aucune, ma pratique me les a désapprises pour m'enseigner l'unicité de l'être humain, de ses relations. Aujourd'hui j'invite le parent qui me demande conseil à revenir à l'éducation qu'il a lui-même reçue, à analyser ce qu'il en a retenu de positif et de négatif, ce qu'il veut transmettre et ce qu'il veut changer. Je lui dis de faire toujours appel au sens, à la logique, à la simplicité, à l'empathie, à sa nature de parent capable d'entendre et d'accepter la nature de l'enfant. Que ces natures sont différentes, qu'aucune n'est idéale et que c'est tant mieux. J'essaie de l'aider à réaliser que la pression qu'il ressent n'a pas de sens, qu'elle est induite par l'obligation de performance qu'impose nos modèles sociétaux. Que cette obligation est illusoire et que s'il ne la consent pas, il est en droit de la refuser pour apporter à son enfant ce qui lui fait sens. Que ce sens je ne l'ai pas, que personne d'autre que lui ne le possède, car il est intrinsèque à son amour, sa bienveillance, son empathie et sa logique, qu'il est inhérent à son instinct. Et c'est aussi ce que j'ai envie de vous dire. Réappropriez-vous votre nature de parent et laissez la fonction à ceux qui prétendent savoir mieux que vous ce dont votre enfant a besoin et comment lui apporter.

J'ai conscience que mes propos ne sont pas très "vendeurs", je devrais moi aussi vous dire que je sais, que j'ai plein de recettes éducatives super efficaces pour résoudre tous vos problèmes d'éducation parentales, mais ils ont au moins le mérite de l'honnêteté. Je ne dis pas non plus qu'ils sont vérités, c'est une réflexion personnelle qui évolue et que je confronte à ma pratique professionnelle. C'est le constat aujourd'hui que j'en tire. A force de dire aux parents comment faire, à les étudier, les décortiquer, les juger, ils en viennent à ne plus oser, à avoir peur d'être parent, par crainte de mal faire et des jugements.

Quand j'ai ouvert ce site, je me suis demandée s'il fallait que je me limite à des propos strictement professionnels, s'il fallait que je "lisse" pour correspondre à une certaine attente convenue afin d'attirer plus de clients. Mais ces articles que j'écris, ces réflexions que je partage, n'ont que l'aveu d'une envie de retour au simple, à la nature de ce que nous sommes, en remettant en cause les attentes et les pressions que nous subissons tous sous des prétextes de performances qui n'ont de sens que pour le lucratif. Envie de transmettre qu'il est temps de revenir à ce que nous sommes par nature, des êtres parfaitement imparfaits, d'en avoir conscience pour l'indulgence dont nous avons besoin, pour l'acceptation et l'intégration des différences, pour le refus d'être jugés jusque dans l'amour que l'on transmet à nos enfants.

Je ne fais plus de "soutien à la parentalité" car mon expérience m'a appris que la parentalité n'existe pas. Je peux parfois aider un parent à retrouver sa nature, sa confiance. Mais je peux vous affirmer que le plus souvent, il le sait déjà, vous le savez déjà.

Vous ferez des dégâts, nous en faisons tous, nous en ferons tous, des maladresses et des blessures, c'est le propre des relations humaines qui s'inscrivent dans le temps. Mais elles se font et se soignent à l'amour, elles se comprennent et se pardonnent par l'amour. Soyons indulgents, envers nous et nos enfants. Arrêtons d'oublier que notre nature c'est d'être humain. Arrêtons de refuser le fait que nous devons apprendre "à être" par les erreurs que nous faisons.


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